Arts martiaux et maîtrise de soi

 par Mme VIERSAC, psychologue (6-6-2012 - AC Guadeloupe)


Voir également le chapitre 

Wǔ  (武德) (Maîtrise de soi & vertus martiales)


Les arts martiaux et l’agressivité Généralement, nous croyons très souvent, à tort que pratiquer un sport de combat nous amène avant tout dans une lutte face et surtout contre un adversaire désigné. Nous pensons aussi que cela est une solution pour surmonter le fait que nous ne sommes pas capables de nous défendre en cas de conflit physique. Nous pensons systématiquement que s’engager dans ce sport c’est avant tout pour être plus fort que les autres. Il n’en est rien. Quelle que soit la voie choisie, s’engager dans une activité de combat permet de renouer avec ses instincts agressifs pour soit les laisser exploser, soit les canaliser, soit encore les développer. De plus, cette peur physique des autres proviendrait d’un manque d’estime, d’un manque de confiance et aussi de l’idée que nous devons recourir à l’agressivité pour être respecter car, selon nous, il n’existerait pas d’autre moyen de s’affirmer. Or, pratiquer un art martial nous pousse à entrevoir l’autre et soi-même, tout autrement sans pour autant faire de soi, un agresseur.

 

Il est alors important de trouver un exutoire à cette violence contenue. Si l’on n’y prend pas garde, ce trop plein s’extériorise, suivant le milieu dans lequel on vit : brûler des voitures, agresser des enseignants, insulter les passants, racketter les plus faibles, éliminer un concurrent de façon déloyale… l’imagination n’a pas de limites pour exprimer une colère qui ne s’assume pas. C’est là que les arts martiaux montrent leur vertu : accepter cette agressivité et l’exprimer dans un cadre convenu et respectueux des autres et de soi.

 

Deux grandes voies sont proposées : les activités qui libèrent et celles qui canalisent. Celles qui libèrent l’agressivité sont les plus faciles d’accès : elles permettent de se vider de son agressivité donc d’une énergie pouvant être positive si elle est transformée et utilisée convenablement. Afin d’éviter cette fuite d’énergie, il s’agirait alors de la canaliser pour mieux la convertir. Celles qui canalisent l’agressivité sont en général associées au contrôle. Ce dernier propose de travailler sur soi, sur ses mouvements, sur la maîtrise de son souffle, sur la recherche de perfection du geste avant son efficacité, sur le respect de l’adversaire. Le but n’est pas de vaincre l’autre, mais de s’élever soi-même.

Les arts martiaux incitent à apprivoiser son agressivité et non à l’ignorer.

 

Il s’agit donc, dans un premier temps, de se considérer comme étant soi-même, son propre adversaire.

 

Arts martiaux : respect et maîtrise Symboliquement, dans le combat, l’objectif ultime est de tuer l’autre. Mais le fait de choisir un art martial suppose d’accepter de donner un cadre à cette lutte. Accepter de contrôler sa force plutôt que d’être contrôlé(e) par elle, de respecter les codes du style pratiqué, de contraindre son corps pendant parfois des années à un entraînement rigoureux, comprendre que son adversaire en fait autant, d’étudier en détail son comportement, ne jamais attaquer et, dans certaines pratiques, se contraindre au contrôle des coups… ne peut se développer sans un profond respect de l’adversaire. Jamais deux combattants ne s’insultent, ni ne cherchent à s’intimider. Le salut est de rigueur avant et après chaque assaut. C’est une école du respect de soi et de l’autre.

 

La pratique des arts martiaux développe une double impression :

1) Externe : avec un sentiment de maîtrise des comportements agressifs, tant physiques que psychologiques.

2)    Interne : avec une impression de sérénité, de contrôle de son corps et de ses peurs.

 

Le travail est à la fois individuel et en relation. Individuel dans la recherche du geste juste (force,  vitesse, technique) des milliers de fois répétés, ce qui demande concentration et persévérance. En relation avec l’autre puisqu’il s’agit en combat de sentir l’autre, sa stratégie, son humeur, ce qui n’est possible qu’avec le respect qu’on lui accorde.

 

A ces point forts spécifiques aux arts martiaux se rajoutent les avantages de la pratique d’un sport quel qu’il soit et d’une expérience de la compétition : le goût de l’effort, le sens de la réalité, la gestion de l’échec, le rapport aux autres…

 

L'art martial vise à rétablir plusieurs communications de la manière la plus intense :

- en rendant le sportif attentif à celui qui se situe face à lui. Dès lors, au lieu d'éviter l'autre, on s'engage, par des exercices simples dans une relation franche, directe et puissante avec son semblable,

- L’autre communication se place entre le corps et l’esprit, structures de base de l’individu, travaillées en psychologie du sport car pour maîtriser gestes et émotions, le sportif doit, impérativement, faire appel au mental.

 

CONCLUSION

Un art martial ne vise pas le conflit, la guerre ou la violence : il cherche au contraire à procurer la paix intérieure et la confiance en soi. Le disciple des arts martiaux livre beaucoup moins la « bataille » dans la vie quotidienne, que celui qui est en conflit avec lui-même (mal dans sa peau). Celui-ci est obligatoirement travaillé par la violence et l'agressivité (refoulée ou non). Cette violence n'est pas

signe de courage ni de force.

 

La pratique assidue de l'art martial agit à tous ces niveaux fondamentaux, rétablit l'équilibre et fait disparaître ainsi les fondements même des anomalies, des souffrances et des troubles de tous genres (psychologiques, comportementaux, psychosomatiques,...).

 

Ces arts constituent des traditions puisant dans la sagesse de la vie, avec une philosophie, une science des réalités de la vie humaine, supérieurement rationnelles car les arts martiaux ne se limitent pas à des exercices psycho-corporels mais comportent une intelligence de la conduite de la vie qui est une excellente médecine du corps et de l'âme.